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  • Photo du rédacteurEl Táctico

MAN CITY : DÉCRYPTAGE DE LA MEILLEURE ÉQUIPE D’EUROPE

Dernière mise à jour : 24 mars 2019

Quasi-certain de remporter la Premier League avec plus de 15 points d’avance sur son dauphin, Manchester City impressionne cette saison. Sous les ordres de Pep Guardiola, les Citizens enchaînent facilement les victoires grâce à un jeu à la fois structuré et fluide qui font d’eux la meilleure équipe d’Europe cette année d’après plusieurs experts. Analysons ensemble cette équipe pour comprendre la tactique instaurée par Guardiola en Angleterre.

La composition basique, même si une rotation est toujours effectuée par Guardiola, est la suivante :

La relance, premier pilier d’une attaque efficace :


Commençons par ce qui lance une phase offensive, c’est-à-dire la relance. Les Skyblues accordent une grande importance à la première passe depuis le gardien : pour se procurer un gardien-relanceur productif, le club n’a pas hésité à dépenser 40 millions d’euros pour se procurer Ederson Moraes.

Que ce soit Neuer ou Ederson, l’entraîneur barcelonais veut toujours disposer d’un portier qui soit bon du pied pour relancer efficacement. Même si le jeu court est privilégié, Ederson doit aussi par moment jouer long lorsque les solutions ne s’offrent pas à lui. En effet, même lorsque la relance n’est pas permise à cause d’un adversaire qui presse haut et un bloc rival qui s’installe dans le camp des Citizens, l’équipe utilise un stratagème que je trouve assez intelligent. Basé sur la règle qui dit que le hors-jeu n’existe pas lors d’un dégagement aux six mètres, le gardien portugais joue parfois derrière la ligne défensive adverse où il peut trouver un joueur offensif. Ici, une séquence de jeu où, face au marquage individuel réussi de l’adversaire et le manque de solution, Ederson joue long pour Aguero :

Mais la relance mancunienne ne réside pas en la qualité de pied de Moraes : si un joueur se distingue lorsque l’équipe ressort le ballon, c’est Fernandinho. Le milieu brésilien joue un rôle important à ce moment puisqu’il descend et devient le 3ème défenseur central comme le montre la passmap ci-dessous. Ce type de relance à trois dit "relance à la Volpe" permet à Manchester City une supériorité numérique si l’adversaire presse à 2 devant.

Si l’adversaire presse à 3 joueurs devant, des dispositions variées sont envisageables pour les joueurs :

- jeu long exceptionnel d’Ederson Moraes

- Fernandinho au rôle de point focal à la relance : en étant au centre avec des défenseurs excentrés, l’adversaire se focalise sur le joueur et permet à City de relancer sur d’autres joueurs avec jeu de position efficace et triangles de jeu naturellement créés même sans supériorité numérique

- présence des latéraux dans l’espace délaissé pour ressortir le ballon via l’exploitation de cet espace : soit en étant sur la largeur, soit en jouant en tant que double pivot à l’intérieur du jeu comme des "inverted fullbacks" (nous le verrons plus tard)


Cette séquence le démontre bien avec le latéral gauche Fabian Delph qui se place près de la ligne de touche pour recevoir le ballon après que le pressing adverse ait laissé de l’espace sur les ailes pour se concentrer sur Fernandinho :

Pour résumer, voilà comment s’organise les Skyblues pour ressortir le ballon :

- Moraes, grâce à son jeu du pied, joue court ou long de manière précise ; pour lui permettre un champ de vision net et de l’espace, les centraux s’écartent sur la largeur lors de la relance.

- Fernandinho positionné là où il peut prendre le ballon et jouer vers l’avant : généralement entre les défenseurs axiaux, il lui arrive aussi de s’installer entre les lignes adverses lorsque l’équipe rivale est positionné haut sur le terrain

- les latéraux, de par un placement intelligent et selon le fait que l’adversaire occupe une zone ou une autre, se place à un endroit où le jeu de position peut être fait et où ils peuvent se rendre disponibles pour leurs partenaires lors de relances compliquées

- une supériorité numérique automatique à la relance pour jouer aisément ; joueur libre obtenu grâce à supériorité capable de ressortir le ballon sans gêne soit par jeu de passe soit par aisance technique

- des triangles de jeu pour circulation de balle fluide et relance réussie

- une disponibilité loin devant où se trouve les attaquants, qui offre donc un atout supplémentaire à la relance pour le gardien


Une utilisation parfaite de l’espace :


Guardiola a une vision particulière d’un terrain de football : mis à part le fait qu’il délimite de manière uniquement le terrain, il y a pour lui trois étapes et trois espaces avant la surface de réparation qu’il faut "surpasser " pour espérer marquer. En voici une représentation :

Pour espérer surpasser ces espaces, il faut justement en trouver de l’espace. Après avoir discuté du management de l’espace de conservation, passons à l’espace de progression et de déséquilibre. De Bruyne et compagnie accordent une place primordiale à l’exploitation des espaces laissés par l’adversaire pour progresser verticalement. Mais face à une défense regroupée, les espaces ne sont pas évidents. Alors, comment s’y prend City ?


Avant toute chose, il faut souligner que pour exploiter l’espace, Guardiola exige de ses joueurs de ne pas être plus de trois dans une même zone verticale. Je m’explique avec cette image des positions moyennes des Citizens et des Blues lors du récent match entre les deux clubs :

Pour rappel, voilà comment est délimité un terrain de football selon Pep :

Cette disposition organisée permet un jeu de passes réfléchi et structuré, tout en gardant un équilibre en cas de transition défensive inattendue puisque pas moins de 5 joueurs sont en position reculée et donc prêts à revenir si contre-attaque il y a.


A présent, voyons comment Manchester City crée et exploite des espaces face à son adversaire du jour. En attaque, les Skyblues s’organisent en 2-3-5 avec ici des latéraux larges car le milieu est surveillé par l’adversaire. Notons que Walker et Delph devraient en temps normal être à l’intérieur, vous saurez pourquoi plus tard. Ci-dessous le 2-3-5, avec un attaquant et un défenseur central pas visibles sur l’image :

Les Citizens cherchent à occuper l’espace en étirant le plus possible le bloc adverse avec leurs passes courtes répétitives et leurs phases de construction longues, mais aussi en se disposant sur le terrain tout entier :

Ces passes ont tendance à fatiguer l’adversaire et à le désorganiser progressivement, avec par exemple un joueur adverse qui se positionne de moins en moins bien et laisse de l’espace dans sa zone. Dès qu’un espace est trouvé après les enchaînements de passes courtes successifs, City combine alors rapidement en profitant de l’homme libre trouvé pour empêcher l’équipe qui la confronte de se réorganiser et de retrouver ses repères. C’est ce qu’on appelle, en espagnol, la conducción.


Ici, par exemple, les mancuniens font face à un bloc médian en 4-4-2 avec des intervalles fermées et constamment surveillées : à travers leur longue séquence de passe, l’intervalle entre les milieux centraux s’est étiré et cela lui a permis d’exploiter l’espace laissé :

Pour rappel, étirer le bloc adverse est un principe de Johan Cruyff repris par son apprenti Guardiola. Le défunt coach néerlandais disait : « quand vous avez le ballon, tentez d’étirer votre jeu sur le terrain le plus possible. Lorsque vous ne l’avez pas, tentez de le rendre le plus étroit possible pour l’adversaire ». Avec une alternance entre jeu lent/possessif et combinaisons rapides, Manchester City est et demeure imprévisible. Oscillant entre largeur, profondeur, intervalles et espaces, les Citizens ont toutes les cartes en main pour trouver un joueur libre bien orienté pour progresser vers l’avant.


Mais l’entraîneur catalan a surtout une arme redoutable pour progresser efficacement et sans menace d’un déséquilibre défensif, à savoir… les latéraux intérieurs. Ou, comme dit en anglais, les « inverted fullbacks ». Des latéraux positionnés à l’intérieur, dans une position de milieu :

Pourquoi ? Les raisons sont multiples et méritent que l’on s’attarde légèrement dessus.


Déjà, il faut savoir que Guardiola aime avoir 5 joueurs pour attaquer et 5 pour défendre afin d’avoir un certain équilibre. Il place donc les latéraux à l’intérieur pour pouvoir contribuer à la construction d’une action tout en les disposant dans une position où ils pourront repartir rapidement et sereinement vers les ailes pour défendre leur couloir : ainsi, les ailiers n’ont pas à s’inquiéter quant à la protection de leurs côtés.


De plus, cette méthode fait que des solutions dans l’ensemble des parties du terrain est possible : en d’autres termes, au moment d’attaquer, City peut jouer sur les ailes ou l’axe mais aussi les half-spaces. Cette occupation du terrain est nécessaire aux yeux du coach, et il n’a pas du tout tort : c’est en étirant le bloc que des intervalles se créent. Les latéraux intérieurs permettent aussi une surcharge sur les ailes, avec les ailiers et les milieux centraux qui apportent une certaine densité sur la largeur. Les latéraux intérieurs posent également problème aux milieux adverses qui a deux choix devant elles : soit surveiller De Bruyne et Silva soit presser les latéraux. Dans les deux cas, l’adversaire laisse un ou des joueurs libres.


Un échange de poste peut-être effectué entre les ailiers et les latéraux, avec une position à l’intérieur du jeu si les ailiers sont sur la largeur et des latéraux excentrés si les ailiers viennent à l’intérieur : cela permet de rendre l’adversaire confus. Sur le but de Sterling face à West Brom que je n’arrive pas à retrouver, on a Walker et Sterling qui changent de postes et permettent une désorganisation fatale du bloc adverse.


Enfin, cette position unique des latéraux engendre une supériorité au milieu qui permet une récupération rapide de la balle. Il ne faut pas oublier que ce positionnement ne nuit en aucun cas à City même en cas de transition défensive puisque Walker et Delph (ou Zinchenko) ont tout le temps de revenir sur les côtés si il y a contre-attaque.


Manchester City se démarque cette saison, non pas seulement par ses attaques meurtrières et son gibier offensif impressionnant, mais aussi par le fait qu’il peut déjouer toute une tactique seulement par leur compréhension du terrain et de son occupation ingénieuse. Elle peut se défaire de tout type de défense, même lorsque son adversaire dispose d’une ligne défensive de 5 joueurs les joueurs de Guardiola peuvent étirer le bloc adverse avec les incursions axiales des milieux.


Après avoir vu comment l’équipe acquiert l’étape de la progression, passons à celle du déséquilibre. Pour s’y prendre, un mouvement continuel des joueurs pour offrir des solutions à leur coéquipier et déjouer l’animation défensive adverse est nécessaire.

Aguero, par exemple, décroche beaucoup soit pour permettre une solution de passe lorsque le pressing adverse est bien exécuté et que toute solution est contenue soit pour briser l’alignement de la ligne défensive rivale en emmenant un ou des joueurs dans son décrochage. Ses heatmaps l’explicitent déjà assez, avec une position généralement un cran plus bas que les n°9 "à l’ancienne" comme Karim Benzema :

Une heatmap révélatrice, avec ici Aguero face à West Brom


La disposition offensive des mancuniens en elle-même est suffisante pour apporter un déséquilibre : en effet, les ailiers occupent la largeur pour aspirer les latéraux. Un espace se fait alors entre le latéral et le défenseur du même côté, un espace exploité par le milieu David Silva ou Kevin de Bruyne qui jouent très verticales et se déplacent beaucoup verticalement comme le montre le classement des passes et courses verticales en PL dominés par Silva et son coéquipier. Ce classement est d’ailleurs révélateur du rôle de « playmaker » avancé qu’occupent l’espagnol et le belge :

Transition défensive et pressing à la perte réussis :

Très peu d’équipes ont, au moment de défendre après une offensive tentée, la chance de pouvoir contenir sur une bonne arrière-garde. Manchester City est l’une de ces rares équipes, et elle peut se vanter d’avoir une structure cohérente et un bloc soudé au moment où l’adversaire récupère le ballon.


Nous avions vu précédemment que Pep Guardiola a apporté aux britanniques des idées innovatrices comme les latéraux intérieurs et une occupation parfaite de l’espace du terrain. Au moment d’enclencher le pressing à la perte, le catalan peut compter sur ces deux atouts pour contenir le rival qu’il affronte.


Les Citizens enclenchent dès la perte de la balle un pressing haut mais cohérent : ils sont à ce moment disposés en 2-4-4 avec les centraux à l’arrière, les latéraux intérieurs avec deux milieux et une première ligne de 3 attaquants et d’un playmaker (souvent De Bruyne).

Chaque « chaîne » est censée couvrir une zone spécifique : tandis que la première ligne doit déclencher le pressing lorsque le ballon est perdu dans la zone de finition, la deuxième ligne se charge de s’occuper des abords de la surface de réparation et donc un peu plus en retrait. Si l’adversaire parvient à déjouer le counterpressing (pressing haut en anglais), il ne reste plus que les défenseurs centraux qui eux seront assistés par des coéquipiers qui redescendront.


Mais le counterpressing est aussi risqué qu’il n’est inefficace. L’organisation de ce bloc en 2-4-4 a aussi ses limites et c’est pour cela que celui qui joue contre City ces jours-ci tend à jouer la contre-attaque et les transitions rapides. Alors, pour fixer ce problème de risque, les

Skyblues font preuve de malice et d’efforts.


Le milieu, la base de toute progression et de tout déséquilibre créé par les footballeurs, les hommes de Pep verrouillent la zone par une prise à deux voir même à 3 d’un seul joueur adverse. Autrement, un espace conséquent serait à portée de main pour l’adversaire. Par contre, lorsque le rival joue un jeu direct, ce sont soit les centraux ou latéraux intérieurs qui se chargent de bloquer l’avant-centre pour l’empêcher de s’orienter face au jeu par un marquage individuel et agressif sur le porteur.


Enfin pour y remédier, on peut citer les fautes tactiques répétitives des mancuniens en cas de situation dangereuse (notamment les centraux, avec Nicolas Otamendi qui a le plus de cartons cette saison).

Cruyff disait que dans son équipe, le gardien est le premier attaquant et l’attaquant le premier défenseur. Son apprenti vénère ce principe, et inculque à ses joueurs une volonté de revenir et d’aider leurs coéquipiers en défense pour éviter des supériorités numériques dans des zones dangereuses. On retient surtout les performances de Sané et de Sterling qui font constamment un travail acharné pour éviter la fragilité de leur équipe sur les ailes, et un déséquilibre dans ce type de zone.


Ce n'est sûrement pas l'aspect le plus impressionnant du jeu de City, mais les principes du coach restent présents même en défense : une occupation cohérente et structurée de l'espace, avec des joueurs d'une volonté exceptionnelle et un bloc soudé et prêt à défendre tout type de situation. Un exemple sur lequel devrait s'appuyer le PSG, dont la MCN ne fait même pas l'effort de redescendre d'un pouce à la perte du ballon...


Peut-on déjouer Manchester City ? :

C’est une évidence : les Skyblues sont quasi-invincibles cette saison et font peur à leurs concurrents, si concurrents il y a. Mais à l’image de toute équipe, City reste jouable sur certains aspects. Ce n’est qu’en se focalisant sur ces aspects que ses adversaires peuvent espérer décrocher la victoire comme l’ont fait avant eux Liverpool ou encore le Chakhtar Donetsk.


Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une fois la première passe permise par l’adversaire, la machine est lancée : par leur jeu avec et sans ballon, les Skyblues s’approprient le ballon et le reprennent facilement. Il faut donc, pour espérer contrarier et vaincre City, leur couper toute solution de relance. Pour y parvenir, une performance similaire à celle de Liverpool est recommandable.


Lors de la confrontation entre les deux clubs qui avait laissé place à une exceptionnelle victoire des Reds, les hommes de Klopp ont adopté un pressing concluant car adapté à la relance mancunienne.


Firmino était chargé de presser le gardien lorsqu’il avait le ballon, mais le n°9 est aussi chargé d’empêcher la ligne de passe vers l’important Fernandinho : ainsi, en privant Guardiola de son homme-clé tout en poussant leur adversaire à jouer sur les côtés, les Reds ont facilement contenu la relance de Man City. Il a fallu faire des efforts pour faire cette double tâche, et c’est ce qu’a fait le Brésilien : avec une efficacité de 95% au pressing et 2.18 minutes de pressing en moyenne dans cette confrontation, on peut dire qu’il n’a pas fait les choses à moitié.

Les Scousers, après avoir fait joués leur rival sur les côtés, se chargent d’être disposés côté ballon pour obtenir une supériorité numérique sur les ailes où sont placés les latéraux Walker et Delph tout en sécurisant le milieu avec des individuelles d’Emre Can et Oxlade-Chamberlain sur Fernandinho et son coéquipier Ilkay Gundogan.


Les Scousers, après avoir fait joués leur rival sur les côtés, se chargent d’être disposés côté ballon pour obtenir une supériorité numérique sur les ailes où sont placés les latéraux Walker et Delph tout en sécurisant le milieu avec des individuelles d’Emre Can et Oxlade-Chamberlain sur Fernandinho et son coéquipier Ilkay Gundogan. Un plan de jeu crédible face à City, mais qui doit détenir une alternative tant Guardiola a des tours dans son sac et sait s’adapter à toutes les situations.


Enfin, il faudrait garder peu ou pas d’espace entre les lignes pour empêcher les Citizens de s’y installer : ce besoin est évident lors du visionnage de la confrontation Chelsea-Man City où malgré un bloc défensif en 5-4-1 Chelsea a été déjoué à cause de l’espace laissé entre les lignes et a donc dû subir la victoire malgré un match quasi-défensif.


Mais tout ça reste hypothétique. Les hommes de Guardiola sont imprévisibles, menés par un coach qui a l’étincelle des grands et un génie incomparable. Seul un mélange de volonté, de tactique et de… chance pourra porter l’adversaire des Citizens vers la victoire. En attendant que ça se refasse après l’étonnant match de Wigan, Manchester City commence à trouver le temps long depuis sa 1ère place en PL et ses 18 points d’avance…

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